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Il n’y a pas de charia catholique mais il y a une notion catholique de la laïcité

Jean-Pierre Dalbéra

Qu’on se le dise !

Depuis un mois tous les sujets clés pour fonder la sociabilité de la France sont au coeur des préoccupations des français sans que les prétendues réponses des politiques ne puissent être comprises. Postures magiques et discours incantatoires suggèrent qu’une « spiritualité républicaine » en cantonnant la religion dans la sphère privée, serait la solution. Comme si quand on ne croit à rien mais à l’utilité de tout, le seul objectif était de se montrer le plus fort en faisant de la liberté d’expression du vide, la pierre d’angle du politique !

On fait de la France une idéologie fondée sur un contrat social qui n’existe pas. Pour ne pas « stigmatiser », certains vont même jusqu’à dire que la République a un problème avec toutes les religions… Bel amalgame !

Il n’y a pas de charia catholique !

Il y a une charia islamique qui codifie la loi, les coutumes et la vie en société à partir d’une révélation intangible écrite et immuable.

Mais qu’on se le dise, il n’y a jamais eu de charia catholique qui définirait la loi à partir d’une révélation ou d’un sentiment religieux ! Comme le disait Benoît XVI au Bundestag en septembre 2012 :

« Contrairement aux autres grandes religions, le christianisme n’a jamais imposé à l’État et à la société un droit révélé, ni un règlement juridique découlant d’une révélation. Il a au contraire renvoyé à la nature et à la raison comme vraies sources du droit – il a renvoyé à l’harmonie entre raison objective et subjective, une harmonie qui toutefois suppose le fait d’être toutes deux les sphères fondées dans la Raison créatrice de Dieu ».

Il n’y a pas de « cité catholique idéale » disait Jean Ousset, ni de « système du bien » qui puisse  faire faire le bien à des personnes qui ne le voudraient pas. Mais il y a des « structures de péchés » qui rendent héroïque le service du bien commun.

Il y a une notion catholique de la Laïcité

Monseigneur Ravel, Evêque aux Armées a publié le 8 décembre 2010 une lettre pastorale sur les rapports entre les religions au sein d’un état de droit. Je recommande sa lecture Lettre pastorale Mgr Ravel Laïcité 2010 car il explique avec clarté dans cette lettre dont nous reprenons des extraits, cette vérité de « l’autonomie des réalités terrestres » formulée par le Concile Vatican II.

En créant le monde, Dieu fit la laïcité des choses explique l’Evêque pour appliquer cette laïcité à la réalité singulière de l’homme individuel et envisager la laïcité de la Cité.

L’Evêque redonne l’enseignement sur la distinction du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel et rappelle  les missions respectives des clercs et des laïcs.

Monseigneur Ravel enseigne en conclusion que « La Laïcité forme le socle des religions ». On comprend bien qu’il ne s’agit pas là du laïcisme, ni de la religion républicaine de Ferdinand Buisson ou de Vincent Peillon.

Quelle est alors le rôle de l’Etat ?

« La laïcité ne surveille pas la religion : l’Etat s’il en est besoin peut s’arroger temporairement un droit de surveillance voire de contrainte s’il est clairement établi qu’un manquement fondamental à la dignité de la personne humaine se produit ou risque de se produire du fait de la religion. Mais, sauf ces cas d’exception, l’Etat veille à mettre en oeuvre une laïcité solide et éclairée qui forme un socle social clair sur lequel les religions peuvent établir leur existence et leur exercice. Si elles refusent ce socle, si elles répugnent à s’enraciner sur ce sol, alors l’Etat doit s’interroger sur la pertinence de leur existence en son sein. Puis il peut entrer dans une démarche d’exclusion de son sol et de sa vie sociale non pas à cause de dogmes propres qui l’incommoderaient mais en raison du non respect de ce socle commun. »

Quel est ce « socle commun » d’une juste laïcité ?

Ce socle commun est celui d’une anthropologie essentielle, d’une vision de l’homme fondée sur la nature et la raison. Pas de Laïcité en politique sans une sagesse réelle. C’est une métapolitique.

« Ce « quelque chose’ auquel tout le monde peut et doit adhérer sans quoi aucune vie en société pluraliste n’est possible. Sans quoi les liens entre les parties et les corps sociaux resteraient dans un domaine artificiel et extérieur. Sans ce socle commun, il ne pourrait s’établir dans une société pluraliste qu’une unité de façade prompte au désaccord.

Quel est ce quelque chose essentiel à la société et qui fait d’elle une société véritablement laïque ? Une vision de l’homme inspirée par la raison. Une anthropologie théorique et pratique établie non selon des critères idéologiques ou religieux mais à partir d’une réflexion conduite par l’intelligence et une intelligence épanouie dans sa capacité à reconnaître sous les variétés infinies des individus humains les principes sacrés et intangibles sans lesquels les mots « droits de l’homme » et « respect de la personne humaine » deviennent factices, incantatoires et fallacieux. Bref, la laïcité n’est crédible comme marque d’une société politique qu’accompagnée d’une sagesse réelle, fine fleur de la philosophie, et qui s’interroge constamment sur ce qu’est l’homme, le monde et l’histoire…..

Si le socle n’ouvre pas à plus que lui, c’est qu’une déraison est venue le subvertir en son sein même. On n’est plus alors en droit de parler de laïcité mais d’exclusion du religieux. »

Pourquoi la Laïcité de Monsieur Valls n’est-elle pas plus crédible que celle des autres partis.

Le relativisme ne permet pas de fonder la Laïcité dans un pays divisé de croyance.

Si les religions sont déraisonnables, elles perdent le droit à un traitement respectueux par l’Etat :

« Le  religieux irrationnel est déraisonnable : à ce titre il ne mérite pas le traitement respectueux que doit l’Etat aux religions. Sur ce thème le choix de la religion catholique est fait depuis longtemps quand les Pères de l’Eglise ont vu dans le Dieu révélé de la Bible ce même Dieu esquissé et cherché à tâtons par les philosophes. Elle n’a jamais peur de la science ni de l’exercice juste de la raison. »

Mais réciproquement, en fondant la loi sur le rapport de force à un instant donné comme le disait le Sénateur Michel à Thibaut Collin (Le point de vue marxiste de la loi – La loi du plus fort) les politiques ne sont pas raisonnables. Ils perdent alors toute crédibilité pour fonder le socle commun de la laïcité. Il leur reste la force sécuritaire comme seul recours face « au pire » allié indispensable de l’alternance unique et l’argument désespérant,  « on a pas le choix », ayant été incapable de faire accepter un socle commun avec des arguments de raison.

Quel est le « socle commun » de la vie à la française.

A l’opposé, le socle commun de la vie à la française fidèle à ses racines, a toujours invoqué la responsabilité personnelle au service du bien commun, considérant que la personne s’accomplit par le don de soi, acte volontaire et libre. Cet acte libre, suppose de pouvoir discerner soi-même le bien, le beau et le vrai et donc d’être libéré autant que possible de l’aliénation des structures et des passions. Tout l’enjeu du politique est donc de créer les conditions qui permettront à chaque personne de s’accomplir et donc de se donner. C’est la bienveillance et la justice qui font la paix sociale. Prétendre fonder le politique sur l’optimisation pour le plus grand nombre des égoïsmes particuliers, est une illusion dont nous mesurons hélas la cruauté.

C’est dans ce contexte de faillite du politique que se pose une question cruciale.

Pouvons-nous aider les français musulmans à vivre à la française ?

La laïcité peut-elle être le socle commun qui permette aux français musulmans d’être « bon aise » en France. Ce n’est pas par une idéologie obligatoire, le blasphème et la dérision de tout, le vide de la pensée, l’inculture absolutiste et le relativisme que tous les français pourront se rencontrer avec bonheur. Ce n’est pas en sacralisant nos envies, non régulées par la raison et donc forcément diverses et concurrentes que nous pourrons trouver les fondations d’une sociabilité française mais c’est au contraire en remontant à la source commune de la création, de la nature humaine et d’une culture centrée sur la personne. Ici sont les conditions pour rendre notre vie à la française attrayante pour les musulmans et fonder les bases d’un dialogue. La laïcité serait bien alors ce socle commun.

La France est une incarnation pas une idéologie.

Ce n’est pas pour rien que la bonne nouvelle de l’Evangile est d’abord celle de l’incarnation d’un Dieu, vrai Dieu et vrai homme à aimer. A cette incarnation est attachée la promesse « de paix pour tous les hommes de bonne volonté ». Y croyons-nous vraiment ?

Or chaque français n’est pas un dieu mais est lui-même une incarnation pétrie par un héritage et une espérance. Ce « nous commun » s’est incarné dans notre histoire française en révélant une anthropologie essentielle pour vivre avec bonheur en société. L’appel à la responsabilité personnelle dans toute action humaine a transformé cette expérience et permis de faire vivre de vraies solidarités. Cette incarnation brille à la face du monde par sa beauté, plénitude de la vérité qui nous rendra libre ! C’est encore cette incarnation et non une idéologie qui fait reconnaître par le monde entier la vocation à l’universel de la France et sa vocation d’éducatrice des peuples. Oui tout français est une histoire sacrée. Le laïcisme idéologique mutile cette histoire en ignorant sa dimension spirituelle dans la vie sociale.

Pour la France, cette vocation n’est pas une ambition ni une décoration mais une responsabilité. Il ne s’agit pas de se prendre comme les américains pour le centre du monde, mais quand les français se prennent pour Charlie, qui trinque dans le monde ?

L’urgence est donc de transmettre ce patrimoine incarnée et cet amour de la patrie charnelle  dirait Péguy, non pas comme une collection morte mais comme l’oeuvre des hommes et des femmes de notre famille nationale. La langue française est au coeur du socle commun que l’Etat doit protéger et partager. C’est la France  elle-même qu’il faut donner à aimer et faire aimer. (Voir l’expérience de Xavier Lemoine à Montfermeil : connaître, aimer, respecter – de la connaissance vient la reconnaissance) .Cet amour de la France fait partie du socle commun qu’une juste Laïcité doit offrir à tous les français.

Qui parmi les politiques a compris cela aujourd’hui ?

Bruno de Saint Chamas

 

NOTE : Benoît XVI in « Deus Caritas est » – 25 décembre 2005

28. Pour définir plus précisément la relation entre l’engagement nécessaire pour la justice et le service de la charité, il faut prendre en compte deux situations de fait fondamentales:

a) L’ordre juste de la société et de l’État est le devoir essentiel du politique. Un État qui ne serait pas dirigé selon la justice se réduirait à une grande bande de vauriens, comme l’a dit un jour saint Augustin: «Remota itaque iustitia quid sunt regna nisi magna latrocinia ? »[18]. La distinction entre ce qui est à César et ce qui est à Dieu (cf. Mt 22, 21), à savoir la distinction entre État et Église ou, comme le dit le Concile Vatican II, l’autonomie des réalités terrestres[19], appartient à la structure fondamentale du christianisme. L’État ne peut imposer la religion, mais il doit en garantir la liberté, ainsi que la paix entre les fidèles des différentes religions. De son côté, l’Église comme expression sociale de la foi chrétienne a son indépendance et, en se fondant sur sa foi, elle vit sa forme communautaire, que l’État doit respecter. Les deux sphères sont distinctes, mais toujours en relation de réciprocité.

La justice est le but et donc aussi la mesure intrinsèque de toute politique. Le politique est plus qu’une simple technique pour la définition des ordonnancements publics : son origine et sa finalité se trouvent précisément dans la justice, et cela est de nature éthique. Ainsi, l’État se trouve de fait inévitablement confronté à la question : comment réaliser la justice ici et maintenant ? Mais cette question en présuppose une autre plus radicale: qu’est-ce que la justice ? C’est un problème qui concerne la raison pratique ; mais pour pouvoir agir de manière droite, la raison doit constamment être purifiée, car son aveuglement éthique, découlant de la tentation de l’intérêt et du pouvoir qui l’éblouissent, est un danger qu’on ne peut jamais totalement éliminer.

En ce point, politique et foi se rejoignent. Sans aucun doute, la foi a sa nature spécifique de rencontre avec le Dieu vivant, rencontre qui nous ouvre de nouveaux horizons bien au-delà du domaine propre de la raison. Mais, en même temps, elle est une force purificatrice pour la raison elle-même. Partant de la perspective de Dieu, elle la libère de ses aveuglements et, de ce fait, elle l’aide à être elle-même meilleure. La foi permet à la raison de mieux accomplir sa tâche et de mieux voir ce qui lui est propre. C’est là que se place la doctrine sociale catholique : elle ne veut pas conférer à l’Église un pouvoir sur l’État. Elle ne veut pas même imposer à ceux qui ne partagent pas sa foi des perspectives et des manières d’être qui lui appartiennent. Elle veut simplement contribuer à la purification de la raison et apporter sa contribution, pour faire en sorte que ce qui est juste puisse être ici et maintenant reconnu, et aussi mis en œuvre.

La doctrine sociale de l’Église argumente à partir de la raison et du droit naturel, c’est-à-dire à partir de ce qui est conforme à la nature de tout être humain. Elle sait qu’il ne revient pas à l’Église de faire valoir elle-même politiquement cette doctrine : elle veut servir la formation des consciences dans le domaine politique et contribuer à faire grandir la perception des véritables exigences de la justice et, en même temps, la disponibilité d’agir en fonction d’elles, même si cela est en opposition avec des situations d’intérêt personnel. Cela signifie que la construction d’un ordre juste de la société et de l’État, par lequel est donné à chacun ce qui lui revient, est un devoir fondamental, que chaque génération doit à nouveau affronter. S’agissant d’un devoir politique, cela ne peut pas être à la charge immédiate de l’Église. Mais, puisque c’est en même temps un devoir humain primordial, l’Église a le devoir d’offrir sa contribution spécifique, grâce à la purification de la raison et à la formation éthique, afin que les exigences de la justice deviennent compréhensibles et politiquement réalisables.

L’Église ne peut ni ne doit prendre en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible. Elle ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’État. Mais elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice. Elle doit s’insérer en elle par la voie de l’argumentation rationnelle et elle doit réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles la justice, qui requiert aussi des renoncements, ne peut s’affirmer ni se développer. La société juste ne peut être l’œuvre de l’Église, mais elle doit être réalisée par le politique. Toutefois, l’engagement pour la justice, travaillant à l’ouverture de l’intelligence et de la volonté aux exigences du bien, intéresse profondément l’Église.

b) L’amour – caritas – sera toujours nécessaire, même dans la société la plus juste. Il n’y a aucun ordre juste de l’État qui puisse rendre superflu le service de l’amour. Celui qui veut s’affranchir de l’amour se prépare à s’affranchir de l’homme en tant qu’homme. Il y aura toujours de la souffrance, qui réclame consolation et aide. Il y aura toujours de la solitude. De même, il y aura toujours des situations de nécessité matérielle, pour lesquelles une aide est indispensable, dans le sens d’un amour concret pour le prochain.[20]L’État qui veut pourvoir à tout, qui absorbe tout en lui, devient en définitive une instance bureaucratique qui ne peut assurer l’essentiel dont l’homme souffrant – tout homme – a besoin : le dévouement personnel plein d’amour. Nous n’avons pas besoin d’un État qui régente et domine tout, mais au contraire d’un État qui reconnaisse généreusement et qui soutienne, dans la ligne du principe de subsidiarité, les initiatives qui naissent des différentes forces sociales et qui associent spontanéité et proximité avec les hommes ayant besoin d’aide. L’Église est une de ces forces vives : en elle vit la dynamique de l’amour suscité par l’Esprit du Christ. Cet amour n’offre pas uniquement aux hommes une aide matérielle, mais également réconfort et soin de l’âme, aide souvent plus nécessaire que le soutien matériel. L’affirmation selon laquelle les structures justes rendraient superflues les œuvres de charité cache en réalité une conception matérialiste de l’homme : le préjugé selon lequel l’homme vivrait «seulement de pain» (Mt 4,4; cf. Dt 8, 3) est une conviction qui humilie l’homme et qui méconnaît précisément ce qui est le plus spécifiquement humain.

29. Ainsi nous pouvons maintenant déterminer avec plus de précision, dans la vie de l’Église, la relation entre l’engagement pour un ordre juste de l’État et de la société, d’une part, et l’activité caritative organisée, d’autre part. On a vu que la formation de structures justes n’est pas immédiatement du ressort de l’Église, mais qu’elle appartient à la sphère du politique, c’est-à-dire au domaine de la raison responsable d’elle-même. En cela, la tâche de l’Église est médiate, en tant qu’il lui revient de contribuer à la purification de la raison et au réveil des forces morales, sans lesquelles des structures justes ne peuvent ni être construites, ni être opérationnelles à long terme.

Le devoir immédiat d’agir pour un ordre juste dans la société est au contraire le propre des fidèles laïques. En tant que citoyens de l’État, ils sont appelés à participer personnellement à la vie publique. Ils ne peuvent donc renoncer «à l’action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun»[21]. Une des missions des fidèles est donc de configurer de manière droite la vie sociale, en en respectant la légitime autonomie et en coopérant avec les autres citoyens, selon les compétences de chacun et sous leur propre responsabilité[22]. Même si les expressions spécifiques de la charité ecclésiale ne peuvent jamais se confondre avec l’activité de l’État, il reste cependant vrai que la charité doit animer l’existence entière des fidèles laïques et donc aussi leur activité politique, vécue comme «charité sociale».[23]