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Dissuasion nucléaire : beaucoup de bruit pour rien !

(Photo by BERTRAND GUAY / AFP)

Samedi 27 avril, Emmanuel Macron a accordé une interview au groupe de presse régionale EBRA (Est Bourgogne Rhône Alpes) dans laquelle il affirme vouloir faire bénéficier l’Europe du parapluie nucléaire français : « la doctrine française est qu’on peut l’utiliser quand nos intérêts vitaux sont menacés. J’ai déjà dit qu’il y a une dimension européenne dans ces intérêts vitaux ». De fait, dans son discours du 7 février 2020 prononcé à l’École de guerre, le président avait affirmé que « les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne ».

En soi, rien n’est nouveau dans ce discours. Avant lui, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient tenu des propos similaires qui relèvent du simple bon sens. Comment imaginer qu’une frappe sur Rome ou Berlin ne menacerait pas nos intérêts vitaux ?

Ce qui est nouveau, en revanche, c’est le contexte dans lequel le président affirme ceci. Depuis le Brexit, la France est la seule puissance nucléaire de l’Union européenne. La perspective d’une réélection de Trump à la Maison-Blanche laisse planer un doute sur la fiabilité du parapluie nucléaire américain qui assure la sécurité des pays européens de l’OTAN depuis la guerre froide. C’est pourquoi, Macron veut relancer la défense européenne – à laquelle personne ne croit hormis la France – et mettre l’arme nucléaire à son service, la France remplaçant les Américains dans cette mission de sécurité collective. Le tout dans le contexte du conflit russo-ukrainien.

C’est ainsi qu’il faut comprendre les déclarations répétées du Président – dernièrement dans The Economist du 2 mai – en faveur d’un possible déploiement de troupes françaises au sol. Mais cet activisme ne trompe personne : en matière de dissuasion, mieux vaut parler le moins possible. Et surtout, il s’agit d’être crédible. La France a-t-elle vraiment les moyens d’être le nouveau gendarme de l’Europe surtout quand on sait que sa doctrine repose sur le concept de la suffisance qui consiste à ne pas être doté de plus de têtes nucléaires que le stricte nécessaire ? Les autres pays européens se résoudront-ils à une telle perspective ? Par ailleurs, le contribuable français qui finance la dissuasion nucléaire (13% du budget de la défense) est-il prêt à un tel investissement au profit de ses voisins ? Veut-il être engagé à défendre l’Ukraine dont Macron affirme qu’elle a vocation à rejoindre l’UE ? Enfin, les modalités de déclenchement du feu nucléaire resteraient, quoi qu’il arrive, entre les mains du président de la République et ne pourraient être partagées car il s’agit d’un attribut essentiel de notre souveraineté.

Les déclarations d’Emmanuel Macron s’inscrivent dans le contexte électoral des Européennes plutôt que dans celui d’une vision stratégique de long terme. Mais par sa légèreté, c’est la crédibilité de la France sur la scène internationale que le Président entame.