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Les inclinations qui fondent la loi naturelle au coeur de l’homme

Les Anciens estimaient que l’ on domine la nature en se soumettant à ses lois. Est-ce encore vraie aujourd’hui ? Existe-t-il une opposition radicale entre la nature humaine et l’ exercice de sa liberté par l’ être humain ?

 La nature des choses, le loi naturelle, traditionnellement considérées comme le premier fondement de la moral, sont aujourd’hui envisagées comme un obstacle a l’exercice de la liberté humaine que nos contemporains considères comme un droit à la fois inviolable et illimité. Pour pallier ce relativisme radical qui fait le fond de la pensée libéral, les moralistes ont pourvu de leur mieux au renforcement de cette base indispensable en l’appuyant sur la raison. Mais ils n’ont guère réussi à résoudre l’opposition entre la nature et la liberté, car elle se reproduisait à l’égard de la raison. On continuait certes à dire que la loi naturelle était une loi intérieure ; mais on la concevait comme extérieure à la liberté, souvent à la manière d’une loi biologique, comme dans le cas de la sexualité. De là provient l’opinion que la moralité nous advient, elle aussi, de l’extérieur : nous ne sommes pas moraux de naissance, mais nous le devenons sous la pression d’une loi édictée par Dieu, par l’Église ou par la société, par la coutume. La moralité devient un artifice nécessaire à la vie sociale ; on peut sans doute l’assumer personnellement, mais elle variera au gré des époques, des cultures, et dépendra même des législations civiles, des décisions majoritaires. La question est grave, car elle concerne notamment le fondement des droits de l’homme qu’on s’efforce de promouvoir aujourd’hui pour établir un minimum de consensus juridique et éthique dans le monde. Or il n’y a pas de nature sans intériorité. Le terme désigne précisément la cause de la naissance, la source de la vie au creux de l’intériorité. Le drame de la liberté d’indifférence est d’avoir tourné le dos à l’intériorité spirituelle et à la vie qui jaillit d’elle comme un élan vers la vérité, le bien, le bonheur. L’heure ne serait-elle pas venue pour nous de récupérer ces racines spirituelles qui subsistent, sous les agitations intellectuelles, dans notre conscience profonde ? La représentation de la liberté de qualité nous montre le chemin à suivre, comme une remontée vers les sources intimes qui irriguent l’esprit et le cœur de l’homme. Telles sont nos inclinations ou aspirations naturelles, comme une spontanéité première que nous pouvons deviner dans l’éclair de l’intuition de l’esprit ou dans l’élan primitif de l’amour. Cette redécouverte est d’une importance majeure. Elle permet de comprendre comment la loi naturelle et la moralité possèdent des racines au fond de nôtre liberté même ; comment aussi cette loi n’agit pas d’abord par contrainte, mais plutôt par attrait ; combien enfin elle est véritablement une loi vitale, entretenant le dynamisme et le déploiement de nos facultés d’action pour les rendre fécondes.

Les inclinations qui fondent la loi naturelle en nous

Quand il traite des préceptes de la loi naturelle, saint Thomas d’Aquin dresse une sorte de tableau des inclinaisons naturelle qui alimentes notre liberté (la IIae, q. 94, a. 2). préceptes déjà substantiellement présente chez Cicéron dans un texte que Thomas ne semble pourtant pas avoir lu (De officiis, I, chap. IV). Nous pouvons distinguer cinq inclinations fondamentales. Elles procèdent des composantes essentielles de notre nature et rencontrent remarquablement les idées générales que les philosophes appellent des « transcendantaux » ou « qualités universelles ».

L’inclination première, à l’origine de toute action humaine, est l’aspiration au bien. Elle se manifeste au plan de l’intelligence par l’idée du Bien, comme une plénitude de la qualité, et correspond à l’expérience de la Bonté. Elle rassemble les autres inclinations en un faisceau dynamique. Sous l’égide de l’aspiration au Bien vient se placer d’abord l’inclination à la conservation de l’être, aussi fondamentale que l’existence même. Elle se manifeste dans l’idée et l’expérience de l’Être, dans le sens du réel. Elle nous met en communion avec tous les êtres. L’homme est un être vivant et il a le pouvoir de transmettre la vie par l’exercice de la sexualité. Le genre humain se partage en hommes et en femmes en vue de la génération et de l’éducation, ce qu’exprime dans l’idée et dans le langage la distinction des genres. Par là nous sommes en communion avec tous les êtres vivants sur cette terre. La quatrième inclination est foncièrement spirituelle : c’est l’aspiration à la vérité, qui se manifeste dans l’idée et la connaissance du Vrai, comme l’objet propre et la lumière de l’intelligence dans ses fonctions théorique et pratique. Elle nous met en communion avec tous les esprits. Enfin l’homme possède une inclination naturelle à la vie en société qui procède du sens d’autrui, constitutif de notre être personnel en liaison avec le sens du Bien. Elle engendre le désir de la communication et de la communion. Elle se manifeste dans le langage. Reprenons brièvement chacune de ces inclinations pour montrer comment elles fondent la loi naturelle et ses différents préceptes, les inscrivant au cœur même de notre personnalité libre.

L’inclination naturelle au bien

L’inclination au bien est un instinct spirituel primitif, indéfinissable comme tel. On peut la caractériser par ce qu’elle provoque en nous : l’attrait spontané et le goût pour le bien, la répulsion pour le mal, ou plus précisément pour ce qui apparaît tel à notre perception des choses, à notre raison, à notre conscience. Le bien est plus que le devoir ; il désigne une qualité, une perfection qui attire et cause l’amour ; absent, il suscite le désir et un mouvement vers lui comme vers une fin ; obtenu, il donne la joie, le bonheur. Il est l’aimable, le désirable. Le choix entre le bien et le mal dérive de cet attrait car, limités d’esprit et de cœur, nous pouvons élire comme un bien ce qui est un mal réel ou prendre pour un mal ce qui est un bien véritable, comme de préférer une fortune mal acquise aux requêtes de la justice. Et parce que l’objet aimé nous conforme à lui, notre estimation morale peut se fausser et notre goût se dépraver. Le sens du bien et du mal n’en subsiste pas moins sous la faute et la corruption, comme le désir de la santé persiste dans la maladie. L’attrait du bien est communément exprimé par un principe premier de la morale : il faut faire le bien et éviter le mal. Il ne signifie pas d’abord l’obligation de faire le bien, mais l’attrait du bien qui se prolonge par l’injonction de rechercher le’ vrai bien et d’éviter le mal réel, au-delà des apparences et des illusions. C’est cette pression de la vérité dans le bien, à l’intérieur de son attrait, qui est à l’origine du sens intime du devoir et de l’obligation, sans s’y réduire toutefois, car elle porte au-delà d’eux vers la perfection du bien. Le bien a partie liée avec l’amour dont il est la cause directe. Aussi pourra-t-on distinguer les espèces de biens en relation avec les espèces d’amours ou d’amitiés. Ce sera d’abord le bien plaisant, recherché pour la jouissance sensible qu’il cause ; ensuite le bien utile, apprécié comme un moyen pour une fin qu’on se propose. Ces deux espèces de biens correspondent à l’amour de « convoitise », où le sujet ordonne à soi surtout le bien convoité. C’est le cas, d’après Aristote, des amitiés entre jeunes gens, fondées sur le plaisir, le sentiment, et de l’amitié entre marchands et hommes d’affaires, basée sur l’utilité commune. Le bien, au sens plénier du terme, est d’une autre nature : c’est ce qui mérite d’être aimé pour lui-même, en lui-même, comme une fin et non comme un moyen. Pareillement l’amour proprement dit consiste à aimer quelqu’un pour lui comme soi. Tel est l’amour d’amitié ou de bienveillance. Il a pour objet une personne ou un bien qui qualifie la personne, comme la vérité, la bonté, la rectitude et toute vertu authentique. Avec ce genre de bien et d’amour, nous entrons de plain-pied dans l’ordre moral. L’inclination au bien est exprimée dans le décalogue par les deux commandements de l’amour de Dieu et du prochain qui contiennent la Loi entière. Elle pose le fondement des droits et des devoirs que précisent les autres inclinations. D’un mot, elle donne à chaque homme le droit et lui inculque le devoir de rechercher ce qui est bien et de rejeter, de combattre ce qui est mal. Elle se développe par les vertus à partir d’une volonté générale de justice et d’amitié qui se réalise dans l’action singulière. L’amour du bien, à la fois ample et concret, offre à la charité la base naturelle qu’elle viendra perfectionner, non sans le renouveler, d’ailleurs, et le soumettre à l’épreuve de la purification. Comme nous apprécions le mieux la santé quand nous sommes malades, ainsi l’inclination au bien se révèle-t-elle à nous le plus sensiblement quand nous sommes confrontés au mal et à la souffrance, spécialement dans la conscience de notre péché, s’il ne nous aveugle pas. Mais la joie, au-delà de cette peine, est également révélatrice.

L’inclination naturelle à la conservation de l’être

L’inclination à la conservation de l’être est fondamentale. Elle affecte notre substance, notre maintien dans l’être et dans la vie à la base de nos activités. Elle engendre le désir d’être et l’amour de la santé. Elle nous donne le sens de la réalité. Elle fonde le droit à la légitime défense. Cène inclination n’est pas uniquement conservatrice ; elle est aussi dynamique. Elle nous pousse vers ce qui est utile pour assurer notre subsistance : la nourriture, l’habillement, l’habitat, etc. Elle préside au progrès et au développement de notre être. Elle ne se limite pas à notre vie physique, mais s’exerce également au niveau spirituel où elle engendre l’amour naturel de soi, à la source de nos actes, avant tout repliement égoïste. Elle fournit ainsi la mesure de l’amour d’autrui dans le deuxième commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Cette inclination s’exprime dans le cinquième commandement : « Tu ne tueras pas », qui inculque le respect de la vie d’autrui, prolongé par le respect de ses biens. Elle fonde le droit à protéger sa vie, et à obtenir le nécessaire pour assurer convenablement sa subsistance. Elle impose aussi à chacun, comme un devoir naturel, le soin de sa santé, physique et morale. L’inclination à l’être est perfectionnée par la vertu de force qui est d’abord courage d’être et de vivre, et qui corrobore l’espérance en nous rendant capables d’affronter les difficultés et les épreuves de la vie. La vertu chrétienne d’espérance viendra couronner cette inclination vitale par le don d’un secours divin pour la réalisation de promesses qui surpassent tout espoir humain. Le passage à cette « espérance contre toute espérance » ne se fera cependant pas sans une épreuve de fond, dont le sacrifice d’Abraham fournit le modèle. Dans le cadre de cette inclination se placent les problèmes du suicide (l’attirance du néant est comme le revers et la maladie de l’attrait de l’être), du respect de la vie avec l’avortement, la torture, l’euthanasie, la mutilation. C’est elle aussi qui soutient les progrès de la médecine, et l’organisation des soins de santé qui occupent une telle place dans nos sociétés.

L’inclination au mariage

L’inclination sexuelle est commune à l’homme et aux êtres vivants ; mais elle se réalise chez lui d’une manière plus parfaite. Elle s’accomplit dans le mariage qui unit l’homme et la femme pour la vie. Elle n’est pas uniquement biologique, bien que cette composante soit caractéristique ; elle engage la personnalité entière par les liens de l’affection. On distingue communément une double fin du mariage : la génération, d’abord, le don de la vie et l’éducation des enfants qui assurent la perpétuité et la croissance de l’espèce humaine et de son héritage culturel ; l’amour et le soutien mutuel des époux, ensuite. Ces deux finalités s’appellent naturellement l’une l’autre et ne peuvent se réaliser pleinement l’une sans l’autre, car la loi de l’amour est le don et la fécondité. On peut montrer aussi comment les autres inclinations se réalisent dans le cadre de la famille où se font les premières expériences de la vie, concernant l’amour, le bonheur, l’estimation concrète du bien et du mal et l’éducation morale le sentiment d’être et l’assurance face à la vie ; les connaissances de base et la langue maternelle ; la différence entre les sexes, entre les personnalités, avec la diversité des relations qui font de la famille une première cellule et une ébauche de la société. L’inclination sexuelle a besoin d’être réglée pour se développer convenablement. Trois commandements du décalogue la concernent : le quatrième qui prescrit le respect des parents ; le sixième qui défend la luxure ; le neuvième qui lie la génération au mariage. Ces préceptes sont au service de la chasteté qui est une des formes de la tempérance ou maîtrise sur les instincts et les sentiments. Si elle a un aspect négatif dans sa lutte contre les excès et les déviations de la sexualité, la chasteté est, en fait, une vertu foncièrement positive, car elle est au service de l’amour dont elle contribue à assurer la pureté, la rectitude et la durée. Cette inclination accorde à tout homme un droit naturel au mariage, auquel correspond le devoir d’en assumer les charges à l’égard du conjoint et des enfants. Le christianisme, dès les origines, a greffé sur cette inclination la sanctification du mariage et l’appel à la virginité adressé à certains, non comme un rejet ou par mésestime, mais comme un témoignage et une consécration spéciale à l’amour du Christ, accordé à tous dans la diversité des vocations. La chasteté chrétienne est l’œuvre particulière de l’Esprit Saint, inspirateur d’un amour nouveau au cœur des fidèles.

L’inclination à la connaissance de la vérité

L’inclination à la vérité est propre à la nature spirituelle. Elle crée la communion des êtres doués de raison. Elle apparaît dans cette lumière originelle que sont les premiers principes de la raison spéculative et de la raison pratique, notamment dans le principe moral que « le bien est à faire et le mal à éviter ». Elle engendre l’amour de la vérité, comparable à l’aspiration de tous les vivants vers la lumière. De ces perceptions premières de l’intelligence découlent, par le travail de la raison et dans le contact avec la réalité, les différentes sciences, en particulier la science morale qui considère toute chose sous l’aspect de la bonté et prend pour règles les préceptes de la loi naturelle. Sa tâche est d’appliquer judicieusement et efficacement ces préceptes dans les actions concrètes, afin d’assurer leur qualité et leur perfection. Pour ce labeur, où l’expérience joue un grand rôle, différentes vertus perfectionnent l’intelligence : la science, comme une capacité d’étudier et de diriger l’action ; la sagesse, qui rassemble les connaissances et l’expérience dans une vue d’ensemble sur la vie et l’agir. Il y a plus spécialement la prudence, qui discerne le bien dans l’acte singulier ; elle est la vertu propre de la raison pénétrant dans l’action pour la façonner. Dans les morales de la vertu, la prudence a une fonction centrale qui correspond au rôle de la conscience « dans les morales de l’obligation, avec cette différence qu’elle recherche le meilleur dans le concret, et pas seulement ce qui est permis ou défendu. Son acte est double : le jugement pratique et l’injonction d’agir qui produit l’effort. On n’est pas vraiment prudent si on n’agit pas effectivement. L’inclination naturelle à la vérité a une portée universelle ; mais elle prend une densité particulière en morale quand elle entre en composition avec l’expérience active où se reflète, comme en un microcosme, toute la réalité des choses, notamment par la relation existentielle avec les autres hommes et avec Dieu. L’inclination à la vérité est concernée par le huitième commandement qui interdit le faux témoignage et le mensonge. Ces préceptes négatifs sont au service d’une aspiration dynamique qui fonde différents droits et devoirs : le droit à l’instruction selon une mesure relative à chaque société et aux capacités personnelle ; le devoir ensuite de cultiver son intelligence, en particulier dans le domaine moral, concernant les orientations de vie et les problèmes concrets. L’intelligence a une fonction de premier plan à remplir en morale ; il convient de la lui restituer, y compris dans sa dimension contemplative. L’aspiration à la vérité fournit une base naturelle à la foi chrétienne, car celle-ci est plus qu’une obéissance volontaire ; elle répond à la lumière de la Parole révélatrice par un acquiescement de l’intelligence, comme du disciple au maître. La foi développe l’amour de la vérité avec l’aide des dons d’intelligence et de science. Grâce à l’amour qui l’accompagne, elle nous procure une certaine connaturalité avec les réalités divines ; elle éclaire et nourrit l’expérience spirituelle.

L’inclination naturelle à la vie en société

L’inclination à la vie en société implique une certaine conception de l’homme comme un « animal sociable », « politique », un être spontanément porté à s’associer aux autres. Cette tendance repose sans doute sur le besoin que nous avons les uns des autres pour subvenir aux nécessités de la vie ; mais elle a un fondement plus intérieur : le sens d’autrui qui s’épanouit dans l’amour, par l’affection, l’amitié, et se détériore par les sentiments contraires. L’amitié de l’homme pour I l’homme est plus naturelle que la lutte et la rivalité ; l’homme n’est pas d’abord un loup pour l’homme bien qu’il puisse le devenir. Le signe de cette disposition naturelle est-la parole, car, à là différence des animaux qui échangent des cris, l’homme a inventé le langage qui sert à la communication des pensées, des sentiments, des besoins, à exprimer le bien et le mal, le juste et l’injuste, à manifester les mouvements de l’esprit et du cœur. La vie entière de l’homme peut être transcrite dans le langage. Les inclinations naturelles, en particulier, se reflètent dans la structure même de la grammaire : la perception du bien se traduit dans les qualificatifs, le sens de l’être forme les substantifs, la sexualité commande les genres, la vérité se montre dans le verbe qui détermine le vrai et le faux, l’inclination à la vie en société enfin, se marque dans les pronoms, je, tu, il, et les nombres, singulier et pluriel. On peut même établir un rapport entre ces inclinations et les organes des sens suivant une certaine convenance. On peut rattacher au bien le goût, la saveur qui a donné son nom à la sagesse ; la vue est le meilleur organe de la connaissance et se rapporte à la vérité ; la parole est liée à l’ouïe ; le toucher et l’odorat mettent en contact avec ce qui est ; ils s’exercent aussi dans la sexualité. Ce ne sont là que des indications, mais elles sont révélatrices du caractère naturel de ces inclinations. La reconnaissance du caractère primitif de l’inclination à la vie en société chez l’homme est de grande conséquence. Selon la théorie de la liberté d’indifférence, l’individu est premier, dans l’isolement et la revendication de sa liberté. La satisfaction des besoins oppose les hommes entre eux et provoque une rivalité qui met en danger l’existence de chacun. La lutte est ici première. La société sera une création artificielle reposant sur le pouvoir délégué, par l’ensemble des individus à une autorité suprême, monarque ou État, pour qu’il puisse imposer et maintenir la paix, indispensable à tous. Selon la liberté de qualité au contraire, la société est naturelle à l’homme grâce à l’inclination qui le porte vers les autres hommes ; elle s’exprime comme un amour spontané ou une amitié qui prendra des formes variées d’après les genres de communautés : affection familiale, amitié personnelle, sentiment national, solidarité de condition ou de métier, etc. L’aide de la société, à commencer par les éducateurs, est nécessaire à la formation et à la maturation de la liberté. L’inévitable lutte entre les hommes, si dure soit-elle, se greffe sur leur désir naturel d’amitié, comme la fièvre et la blessure affectent le corps. L’inclination à la vie en société se développera par la vertu de justice définie comme une volonté ferme de rendre à chacun ce qui lui est dû ; elle a pour objet le droit, au sens objectif, qu’exprimé la loi. La justice recouvre les échanges extérieurs avec autrui, aux plans familial, social, national, mais aussi vis-à-vis de Dieu par la religion. Elle possède ainsi une portée générale. Sa règle est l’établissement de l’égalité, stricte ou relative, dans les échanges. Sa fin est l’harmonie et la paix. Au-delà de la justice réside l’amitié, comme l’épanouissement des rapports humains dans une relation plus personnelle de bienveillance réciproque, dans la liberté et l’égalité. Au plan chrétien, nous retrouvons évidemment la charité comme la vertu inspiratrice des relations au sein de cette société à la fois spirituelle et institutionnelle qu’est l’Église. Ici aussi se remarquera la diversité des conceptions : la liberté d’indifférence favorise la rivalité des pouvoirs, l’opposition entre la liberté individuelle et les institutions, etc. ; la liberté de qualité, au contraire, recherche avant tout la coordination et la collaboration, le développement de l’Église comme un corps harmonieux. Nous avons montré, autant que faire se peut, comment la loi naturelle ne s’impose pas à l’homme de l’extérieur, au nom d’une volonté ou d’une réalité étrangère. Elle est véritablement intérieure ; elle est reçue de naissance. Elle est inscrite dans le cœur de l’homme par la main de Dieu qui l’a modelé à son image. Sans doute ses préceptes peuvent-ils être gravés sur la pierre ou écrits dans des livres, mais ils correspondent à des aspirations qui alimentent le dynamisme de nos facultés. Aussi n’est-ce pas une loi statique, même si elle emploie des formes limitatives dans ses prescriptions ; elle est d’essence dynamique, comme les vertus qu’elle est destinée à former en nous.