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9 Idées reçues sur la révolution de 1789

1 –  » Ce fut une Révolution « populaire » contre des classes dirigeantes toutes-puissantes »

C’est en effet ce qu’il est de bon ton d’affirmer. Or, la Révolution fut surtout réduite aux convulsions parisiennes et c’est dans la capitale, surtout dans ses rues, que se décidait le sort de notre pays (le Journal Officiel de 1790 à la seconde abdication de 1815 en est la preuve). Elle fut encore moins populaire mais bien plutôt le fait de l’aristocratie libérale, de la bourgeoisie et du clergé pénétré des Lumières. « La Révolution française, nous dit Albert Soboul, historien marxiste, constitue, avec les révolutions hollandaise et anglaise du XVIIème siècle, le couronnement d’une longue évolution économique et sociale qui a fait de la bourgeoisie la maîtresse du monde »[[Préface de La Révolution française, Gallimard, 1989, p.45.]]. Guizot (1787-1874), Tocqueville (1805-1859) et Taine (1828-1893) ont soutenu cette thèse dès le XIXème siècle.

La loi le Chapelier de 1791 en est une preuve, puisqu’en abolissant les corporations, elle laisse les ouvriers sans défense face aux abus possibles de leurs patrons: c’est là la source de la misère ouvrière du XIXème siècle, que les noirs récits de Zola dépeignent.

2 – « Elle fut avant tout dirigée contre la monarchie absolue »

On le prétend, mais en fait, elle fut moins dirigée contre la monarchie dont elle s’est accommodée, dans un premier temps, sous une forme parlementaire, que contre l’ordre chrétien: les ordres monastiques ont subi, les premiers, les affres révolutionnaires (lois de 1789 et 1790 concernant la suppression des vœux). On pourrait même dire que l’interdiction des Jésuites, en 1762, constitue l’acte fondateur de la Révolution de 1789. « Une des premières démarches de la Révolution française a été de s’attaquer à l’Eglise, et parmi les passions qui sont nées de cette révolution, la première allumée et la dernière éteinte a été la passion religieuse » (Tocqueville).

La Révolution est le premier pas vers une sécularisation du pouvoir, qui nous a mené à notre société athée d’aujourd’hui (la seule que l’histoire ait jamais connue, puisque toute l’Antiquité est empreinte de religiosité), autant dire à une société où l’homme se prend pour Dieu et défie la nature, avec toutes les dérives qui s’ensuivent.

3 – « Il faut distinguer les « années Lumières » 1789-1791, des « années terribles » 1792-1794″

Arguer de cette prétendue rupture, c’est nier les fondements criminogènes de la Terreur, des Lumières, de tout système révolutionnaire. L’artifice chronologique (en fait, la Terreur continue bien après juillet 1794) ne saurait faire oublier que la prise de la Bastille constitue déjà en soi un acte de terreur dans la mesure où c’est la rue, largement « encadrée », qui impose au pouvoir légal sa volonté par les armes et la violence la plus brutale. « Que cela vous plaise ou vous choque, affirmait Clemenceau[[Discours à la Chambre des députés, 29 janvier 1891.]], la Révolution est un bloc dont on ne peut rien distraire, car l’histoire ne le permet pas ». A l’anarchie des années 1790, ne pouvait que succéder une phase autoritaire. Ce sont les extrêmes, plus facilement mobilisables et mieux structurés qui profitent de l’étiolement du pouvoir pour parvenir à leurs fins: la dictature de salut public. « Le vaisseau de la Révolution ne peut arriver au port que sur une mer rougie de flots de sang », prétendait Bertrand Barrère, conventionnel, le 7 avril 1793.

4 – « La Terreur est plutôt un dérapage lié à la fureur populaire »

En fait, c’est bien l’Etat qui organisa les massacres de Septembre, les tueries en Vendée et dans les principales villes françaises, ou encore l’exécution de ceux qui étaient désignés comme « ennemis de la Révolution ». Saint-Just déclare lui-même devant la Convention nationale, le 17 novembre 1793, que « la Terreur est l’ordre du jour ».

L’exemple le plus probant est le génocide vendéen[[« Mon intention est de tout incendier, (…) mais cette grande mesure doit être prescrite par vous. Je ne suis qu’un agent passif. (…) Vous devez également vous prononcer d’avance sur le sort des femmes et des enfants. S’il faut les passer tous au fil de l’épée, je ne puis exécuter une pareille mesure sans un arrêté qui mette ma responsabilité à couvert » (Lettre de Turreau au Comité de Salut Public, 17 janvier 1794). La réponse du Comité est éloquente: « Tu te plains, citoyen général, de n’avoir pas reçu du Comité une approbation formelle à tes mesures. Elles lui paraissent bonnes et pures, mais, éloigné du théâtre d’opération, il attend les résultats pour se prononcer. Extermine les brigands [contre-révolutionnaires] jusqu’au dernier, voilà ton devoir » (Lettre du Comité de Salut Public à Turreau, 8 février 1794, Archives Nationales). La violence a eu un caractère officiel et les « masses populaires » ont servi d’instrument à cette « politique ».]].

5 – « C’était néanmoins un dérapage lié au contexte de « crises »

On a longtemps tenté de dédouaner la terreur en l’attribuant à un réflexe de défense vis-à-vis de l’ennemi extérieur et intérieur. Après les massacres de septembre 1792, Danton estimait s’être débarrassé des  »

amis du Roi » qui « complotaient » dans le dos des armées révolutionnaires. Or, la Terreur ne fut jamais aussi violente et systématique que lorsque le gouvernement était hors de danger. En 1794, la Vendée est anéantie et les révoltes fédéralistes sont écrasées (en Normandie, à Lyon et en Gironde). Il y eu autant de victimes en deux mois que lors des deux dernières années!

6 – « Peut-être fallait-il en passer par là pour l’avènement de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité »

De quelle liberté et égalité parlons-nous? Il s’agit-là de concepts abstraits… « ces vérités chrétiennes devenues folles » dont parlait l’écrivain Chesterton. Les hommes sont certes égaux en dignité, mais la nature leur donne aux uns et aux autres plus ou moins de talents, d’aptitudes, de richesses… Et tant mieux car une société a besoin des uns et des autres, chacun ayant un rôle à remplir, et une place à tenir au sein d’une hiérarchie naturelle et nécessaire, seule garante contre l’anarchie. L’égalité des révolutionnaires est une chimère.

La liberté n’est pas non plus une idée pure, celle de faire ce que nos pulsions nous dictent (elle vire alors au rejet de toutes normes et au libertarisme), mais la capacité qu’a l’homme de choisir le bien. Quand à la fraternité, elle n’est pas un vague idéal d’amour du prochain, elle est une communion entre les hommes autour de sentiments et d’aspirations universels…

Il suffit de voir comment se sont comportés ces thuriféraires de la Liberté et de l’Egalité!

7 – « On lui doit cependant notre déclaration des droits de l’homme… »

Nous avions le Décalogue, où tout figurait déjà! Cette déclaration est devenue une référence incontournable, alors qu’elle est la source de nombre de nos maux…

– Les droits ne sont pas doublés des devoirs qui leur correspondent.

– La personne humaine n’y est plus qu’un individu isolé, sans qu’il soit fait mention des communautés naturelles dans lesquelles elle peut seule s’épanouir (la famille, la commune, le métier…).

– La loi devient l’expression de la volonté générale (art. 3: « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation »), sans plus se référer à un ordre transcendant, Dieu dans la chrétienté ou les « lois éternelles qui ne sont pas écrites » (Antigone) dans l’Antiquité. C’est ainsi qu’on en est venu à modifier le droit au regard de l’évolution des mœurs, alors qu’il devrait être le garant des principes intemporels qui ont toujours présidé à l’organisation des sociétés.

Enfin, tous les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui autour de la définition de la nationalité viennent de la conception révolutionnaire de la nation. En 1789, elle devient une adhésion à des principes (on nationalise des étrangers simplement parce qu’ils se reconnaissent dans la déclaration des droits de l’homme), sans que soient pris en compte l’attachement au patrimoine de la France, à son histoire, à sa terre… Or, être Français, c’est aussi accepter notre héritage, le connaître, s’en nourrir… La nation révolutionnaire est complètement désincarnée.

8 – « Le bilan de 1789 est quand même largement positif… »

Certes non! L’économie fut désorganisée par le massacre: l’inflation de l’assignat fut telle qu’elle nous exclut de l’économie monétaire et nous fit régresser vers une économie de troc, au moment même où l’Angleterre décollait. La destruction du mode de financement des écoles et des hôpitaux retarda d’un demi-siècle l’alphabétisation et la scolarisation totale du pays que l’Ancien Régime avait déjà conduit à mi-terme. Les élites furent éliminées ou contraintes d’émigrer pour des raisons fiscales.

9 – « Reste que la Révolution a ouvert une ère nouvelle, meilleure que par le passé… »

La révolution de 1789 a surtout inauguré des pratiques idéologiques qui vont nourrir tous les totalitarismes contemporains[[Jacques Julliard lui-même, rédacteur en chef du Nouvel Observateur, explique que « le totalitarisme eut été impossible » sans 1789, c’est-à-dire « l’avènement du peuple comme acteur principal de la politique ».]]:

– L’élimination de toute transcendance divine: c’est la disparition de la morale objective qui s’impose extérieurement aux hommes. La morale kantienne prévaut. « Est moral ce qui sert l’action révolutionnaire », assènera plus tard Lénine[[De l’attitude du parti ouvrier à l’égard de la religion (1909).]].

– la pratique du parti unique qui en vient à détenir tous les leviers de l’Etat (les Montagnards, en 1793-94) avec cette exigence d’adhésion inconditionnelle à une idéologie qui engendre un climat sectaire de terreur et l’extermination de masse des ennemis. Dans cet esprit, tous les partis totalitaires de l’époque moderne purgeront systématiquement les plus « modérés ».

– Le primat de l’agir sur l’être: la fin justifie les moyens. Peu importe, le coût en vies humaines, la Révolution doit triompher.

Quelques chiffres : La passion anti-catholique des révolutionnaires

– 60000 prêtres exilés dont 3 000 martyrisés.
– 1 000 prêtres non-jureurs exécutés (dont 7 évêques guillotinés).
– 1815: 350 ordinations par an (contre plus de 5000 en 1789).
– 2 millions de morts sur 28 millions d’habitants.

La liberté et la fraternité vue par les révolutionnaires

– « A Montournais, aux Epesses, et dans plusieurs autres lieux, le général Amey fait allumer les fours et, lorsqu’ils sont bien chauffés, il y jette femmes et enfants ». Commissaires républicains Morel et Carpenty, lettre à la Convention du 24 mars 1794.

– « Si mes intentions sont bien secondées, il n’existera plus dans la Vendée, sous quinze jours, ni maisons, ni subsistance, ni armes, ni habitants que ceux qui, cachés au fond des forêts, auront échappé aux plus scrupuleuses perquisitions ». Turreau, commandant en chef républicain
en Vendée, lettre au Comité de Salut Public du 24 janvier 1794.

– « Mes camarades, nous entrons dans le pays insurgé. Je vous donne l’ordre de brûler tout ce qui peut brûler, de passer à la baïonnette tous les habitants que vous rencontrerez. Je sais qu’il peut y avoir des patriotes, tant pis: il faut tout sacrifier ». Ordre du jour de la colonne de Grignon, 20 janvier 1794.

– « Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pas des chevaux, massacré les femmes qui, au moins pour celles-là, n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher, j’ai tout exterminé ». Westermann, lettre au Comité du Salut Public, octobre 1794.

Ils l’ont dit…

– « Il y a un an que je crie contre toutes les horreurs desquelles j’ai été le malheureux témoin. (…) j’ai vu massacrer des vieillards dans leur lit, égorger des enfants sur le sein de leur mère, guillotiner des femmes enceintes et même le lendemain de leurs couches. (…) Les atrocités qui se sont commises sous mes yeux ont tellement affecté mon cœur que je ne regretterai jamais la vie. (…) Je parlerai en face aux cannibales ». Général de brigade Danican, Lettre du 20 octobre 1794, Archives historiques de l’Armée.

– « Nous devons ce préjugé, comme tant d’autres, à cette effervescence des bourgeois, à cette poussée des robins et des fiscaux, qu’on a appelée la Révolution et qui semble admirable aux gens qui en vivent. C’est la mère Gigogne des bêtises. Depuis un siècle, il sort quotidiennement de nouvelles inepties de ses jupes tricolores ». Anatole France, La rôtisserie de la Reine Pédauque, 1893.

« Une révolution préparée par la corruption des mœurs et des égarements de l’esprit éclate parmi nous; au nom des lois on renverse la religion et la morale; on renonce à l’expérience et aux coutumes de nos pères: on brise les tombeaux des aïeux, base sacrée de tout gouvernement durable, pour fonder sur une raison incertaine une société sans avenir. Errant dans nos propres folies, ayant perdu toute idée claire du juste et de l’injuste, du bien et du mal nous parcourûmes les diverses formes des constitutions républicaines ». Chateaubriand, « De Bonaparte et des Bourbons », 30 Mars 1814.

– « Les révolutions détruisent le caractère organique de la société; elles ruinent le cours naturel de la vie; elles annihilent les meilleurs éléments de la population en donnant libre champ au pire; aucune révolution ne peut enrichir un pays, tout juste quelques débrouillards sans scrupules (…). Le mot «révolution» lui-même signifie rouler en arrière, revenir, éprouver à nouveau, rallumer, dans les meilleurs des cas mettre sens dessus dessous (…). Et il serait vain d’espérer que la révolution puisse régénérer la nature humaine. Or, c’est ce que votre Révolution, et tout particulièrement la nôtre, la Révolution russe, avaient tellement espéré ». Alexandre Soljenitsyne.

– « Evidemment les socialistes trouveront peut-être que leurs ancêtres de la Terreur n’avaient pas un visage très électoral; ce sang répandu à outrance pour finalement donner les rênes à la poigne de fer d’un empereur, ce peuple livré sans défense aux appétits mercantiles de la bourgeoisie industrielle, ce sont des conséquences qu’il vaudrait mieux oublier ». Jean-Marie Rouart, « Le Quotidien de Paris », 21 décembre 1982.

– « Les philosophes, ce sont eux qui ont commencé par raconter des histoires au bon peuple: lui qui ne connaissait que la catéchisme, ils se sont mis, proclamèrent-ils, à l’éduquer. Ah! Ils en avaient des vérités à lui révéler, et de belles et des pas fatiguées! Qui brillaient qu’on restait tout ébloui ». Céline, « Voyage au bout de la nuit » (1932).