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5/17 – Quels sont les dynamismes naturels à l’œuvre dans la personne humaine ?

On distingue traditionnellement trois grands ensembles de dynamismes naturels qui sont à l’œuvre dans la personne humaine. À partir de ces inclinations peuvent se formuler les préceptes premiers de la loi naturelle, connus naturellement.

Le premier, qui lui est commun avec tout être substantiel, comprend essentiellement l’inclination à conserver et à développer son existence. Le deuxième, qui lui est commun avec tous les vivants, comprend l’inclination à se reproduire pour perpétuer l’espèce. Le troisième, qui lui est propre comme être rationnel, comporte l’inclination à connaître la vérité sur Dieu ainsi que l’inclination à vivre en société. À partir de ces inclinations peuvent se formuler les préceptes premiers de la loi naturelle, connus naturellementCes préceptes demeurent très généraux mais forment comme un substrat premier qui est à la base de toute la réflexion ultérieure sur le bien à pratiquer et le mal à éviter.

1.1.   Inclination à conserver et à développer son existence.

Il y a habituellement, chez les vivants, une réaction spontanée face à la menace imminente de mort : on la fuit, on défend l’intégrité de son existence, on lutte pour survivre. La vie physique apparaît naturellement comme un bien fondamental, essentiel, primordial, d’où le précepte de protéger sa vie. Sous cet énoncé relatif à la conservation de la vie se profilent des inclinations vers tout ce qui contribue, d’une manière propre à l’homme, au maintien et à la qualité de la vie biologique : intégrité du corps ; usage des biens extérieurs qui garantissent la subsistance et l’intégrité de la vie tels que la nourriture, le vêtement, le logement, le travail ; la qualité de l’environnement biologique… À partir de ces inclinations, l’être humain se formule des fins à réaliser qui contribuent au développement harmonieux et responsable de son être propre et qui, à ce titre, lui apparaissent comme des biens moraux, des valeurs à poursuivre, des obligations à remplir, voire des droits à faire valoir. En effet, le devoir de préserver sa propre vie a comme corrélatif le droit de réclamer ce qui est nécessaire à sa conservation dans un environnement favorable. C’est ainsi que l’on peut parler d’Ecologie humaine pour formuler les pratiques respectueuses de la dignité de la personne humaine. Correspondance avec le décalogue et les vertus  L’inclination à la conservation de l’être est fondamentale. Elle affecte notre substance, notre maintien dans l’être et dans la vie à la base de nos activités. Elle engendre le désir d’être et l’amour de la santé. Elle nous donne le sens de la réalité. Elle fonde le droit à la légitime défense. Cette inclination n’est pas uniquement conservatrice; elle est aussi dynamique. Elle nous pousse vers ce qui est utile pour assurer notre subsistance: la nourriture, l’habillement, l’habitat, etc. Elle préside au progrès et au développement de notre être. Elle ne se limite pas à notre vie physique, mais s’exerce également au niveau spirituel où elle engendre l’amour naturel de soi, à la source de nos actes, avant tout repliement égoïste. Elle fournit ainsi la mesure de l’amour d’autrui dans le deuxième commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même», et est à la base de la Règle d’or. Il peut même arriver que la sauvegarde d’une valeur morale, comme l’amour de Dieu, de la patrie ou de la justice, nous fasse consentir au sacrifice de la vie physique. Cette inclination s’exprime dans le cinquième commandement: «Tu ne tueras pas», qui inculque le respect de la vie d’autrui, prolongé par le respect de ses biens. Elle fonde le droit à protéger sa vie, et à obtenir le nécessaire pour assurer convenablement sa subsistance. Elle impose aussi à chacun, comme un devoir naturel, le soin de sa santé, physique et morale. L’inclination à l’être est perfectionnée par la vertu de force qui est d’abord courage d’être et de vivre, et qui corrobore l’espérance en nous rendant capables d’affronter les difficultés et les épreuves de la vie. Dans le cadre de cette inclination se placent les problèmes du suicide (l’attirance du néant est comme le revers et la maladie de l’attrait de l’être), du respect de la vie avec l’avortement, la torture, l’euthanasie, la mutilation. C’est elle aussi qui soutient les progrès de la médecine, et l’organisation des soins de santé qui occupent une telle place dans nos sociétés.

1.2.   Inclination, commune à tous les vivants, concerne la survie de l’espèce qui se réalise par la procréation.

La génération s’inscrit dans le prolongement de la tendance à persévérer dans l’être. Si la perpétuité de l’existence biologique est impossible à l’individu lui-même, elle est possible pour l’espèce et ainsi, dans une certaine mesure, se trouve surmontée la limite inhérente à tout être physique. Le bien de l’espèce apparaît ainsi comme une des aspirations fondamentales qui habitent la personne. Nous en prenons particulièrement conscience de nos jours quand certaines perspectives comme le réchauffement climatique avivent notre sens des responsabilités vis-à-vis de la planète comme telle et de l’espèce humaine en particulier. Cette ouverture à un certain bien commun de l’espèce annonce déjà certaines aspirations propres à l’homme. Le dynamisme vers la procréation est intrinsèquement lié à l’inclination naturelle qui porte l’homme vers la femme et la femme vers l’homme, donnée universelle reconnue dans toutes les sociétés. Il en est de même pour l’inclination à prendre soin des enfants et à les éduquer. Ces inclinations impliquent que la permanence du couple de l’homme et de la femme, voire même leur fidélité mutuelle, sont déjà des valeurs à poursuivre, même si elles ne pourront s’épanouir pleinement que dans l’ordre spirituel de la communion interpersonnelle. Correspondance avec le décalogue et les vertus  L’inclination sexuelle est commune à l’homme et aux êtres vivants; mais elle se réalise chez lui d’une manière plus parfaite. Elle s’accomplit dans le mariage qui unit l’homme et la femme pour la vie. Elle n’est pas uniquement biologique, bien que cette composante soit caractéristique; elle engage la personnalité entière par les liens de l’affection. On peut montrer aussi comment les autres inclinations se réalisent dans le cadre de la famille où se font les premières expériences de la vie, concernant l’amour, le bonheur, l’estimation concrète du bien et du mal et l’éducation morale le sentiment d’être et l’assurance face à la vie; les connaissances de base et la langue maternelle ; la différence entre les sexes, entre les personnalités, avec la diversité des relations qui font de la famille une première cellule et une ébauche de la société. L’inclination sexuelle a besoin d’être réglée pour se développer convenablement. Trois commandements du décalogue la concernent : le quatrième qui prescrit le respect des parents ; le sixième qui défend la luxure ; le neuvième qui lie la génération au mariage. Ces préceptes sont au service de la chasteté qui est une des formes de la tempérance ou maîtrise sur les instincts et les sentiments. Si elle a un aspect négatif dans sa lutte contre les excès et les déviations de la sexualité, la chasteté est, en fait, une vertu foncièrement positive, car elle est au service de l’amour dont elle contribue à assurer la pureté, la rectitude et la durée. Cette inclination accorde à tout homme un droit naturel au mariage, auquel correspond le devoir d’en assumer les charges à l’égard du conjoint et des enfants. Le christianisme, dès les origines, a greffé sur cette inclination la sanctification du mariage et l’appel à la virginité adressé à certains, non comme un rejet ou par mésestime, mais comme un témoignage et une consécration spéciale à l’amour du Christ, accordé à tous dans la diversité des vocations. La chasteté chrétienne est l’œuvre particulière de l’Esprit Saint, inspirateur d’un amour nouveau au cœur des fidèles.

1.3.   Inclination à vivre en société,

Inclination spécifique à l’être humain comme être spirituel, doté de raison, capable de connaître la vérité, d’entrer en dialogue avec les autres et de nouer des relations d’amitié. Aussi doit-on lui attacher une importance toute particulière. L’inclination à vivre en société vient d’abord de ce que l’être humain a besoin des autres pour surmonter ses limites individuelles intrinsèques et atteindre sa maturité dans différents domaines de son existence. Mais, pour épanouir pleinement sa nature spirituelle, il a besoin de nouer avec ses semblables des relations de généreuse amitié et de développer une coopération intense pour la recherche de la vérité. Son bien intégral est si intimement lié à la vie en communauté que c’est en vertu d’une inclination naturelle et non d’une simple convention qu’il s’organise en société politique. Le caractère relationnel de la personne s’exprime aussi par la tendance à vivre en communion avec Dieu ou l’Absolu. Celle-ci se manifeste dans le sentiment religieux et le désir de connaître Dieu. Elle peut certes être niée par ceux qui refusent d’admettre l’existence d’un Dieu personnel, mais elle n’en demeure pas moins implicitement présente dans la recherche de la vérité et du sens qui habite tout être humain. À ces tendances spécifiques à l’homme correspond l’exigence perçue par la raison de réaliser concrètement cette vie de relations et de construire la vie en société sur des bases justes qui correspondent au droit naturel. Cela implique la reconnaissance de l’égale dignité de tout individu de l’espèce humaine, au-delà des différences de race et de culture, et un grand respect pour l’humanité où qu’elle se trouve, y compris dans le plus petit et le plus méprisé de ses membres. « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse ». Nous retrouvons ici la règle d’or qui est mise aujourd’hui au principe même d’une morale de la réciprocité. Il faut noter la présence de cette règle dans la plupart des sagesses ainsi que dans l’Evangile lui-même. C’est en se référant à une formulation négative de la règle d’or que saint Jérôme manifestait l’universalité de plusieurs préceptes moraux. « C’est pourquoi juste est le jugement de Dieu qui écrit dans le cœur du genre humain : ‘Ce que tu ne veux pas que l’on te fasse, ne le fais pas à autrui’. Qui ne sait que l’homicide, l’adultère, les vols et toute espèce de convoitise sont le mal, de ce fait que nous ne voudrions pas que cela nous fût fait à nous-mêmes ? Si l’on ne savait pas que ces choses sont mauvaises, jamais on ne se plaindrait quand elles nous sont infligées. » A la règle d’or se rattachent plusieurs commandements du Décalogue, ainsi que de nombreux préceptes bouddhistes, voire des règles confucéennes, ou encore la plupart des orientations des grandes Chartes qui énumèrent les droits de la personne. Correspondance avec le décalogue et les vertus  L’inclination à la vérité est propre à la nature spirituelle. Elle crée la communion des êtres doués de raison. Elle apparaît dans cette lumière originelle que sont les premiers principes de la raison spéculative et de la raison pratique, notamment dans le principe moral que «le bien est à faire et le mal à éviter». Elle engendre l’amour de la vérité, comparable à l’aspiration de tous les vivants vers la lumière. De ces perceptions premières de l’intelligence découlent, par le travail de la raison et dans le contact avec la réalité, les différentes sciences, en particulier la science morale qui considère toute chose sous l’aspect de la bonté et prend pour règles les préceptes de la loi naturelle. Sa tâche est d’appliquer judicieusement et efficacement ces préceptes dans les actions concrètes, afin d’assurer leur qualité et leur perfection. Pour ce labeur, où l’expérience joue un grand rôle, différentes vertus perfectionnent l’intelligence : la science, comme une capacité d’étudier et de diriger l’action; la sagesse, qui rassemble les connaissances et l’expérience dans une vue d’ensemble sur la vie et l’agir. Il y a plus spécialement la prudence, qui discerne le bien dans l’acte singulier ; elle est la vertu propre de la raison pénétrant dans l’action pour la façonner. La prudence a une fonction centrale qui correspond au rôle de la conscience dans les morales de l’obligation, avec cette différence qu’elle recherche le meilleur dans le concret, et pas seulement ce qui est permis ou défendu. Son acte est double : le jugement pratique et l’injonction d’agir qui produit l’effort. On n’est pas vraiment prudent si on n’agit pas effectivement. L’inclination naturelle à la vérité a une portée universelle ; mais elle prend une densité particulière en morale quand elle entre en composition avec l’expérience active où se reflète, comme en un microcosme, toute la réalité des choses, notamment par la relation existentielle avec les autres hommes et avec Dieu. L’inclination à la vérité est concernée par le huitième commandement qui interdit le faux témoignage et le mensonge. Ces préceptes négatifs sont au service d’une aspiration dynamique qui fonde différents droits et devoirs : le droit à l’instruction selon une mesure relative à chaque société et aux capacités personnelle ; le devoir ensuite de cultiver son intelligence, en particulier dans le domaine moral, concernant les orientations de vie et les problèmes concrets. L’intelli­gence a une fonction de premier plan à remplir en morale ; il convient de la lui restituer, y compris dans sa dimension contemplative. L’aspiration à la vérité fournit une base naturelle à la foi chrétienne, car celle-ci est plus qu’une obéissance volontaire ; elle répond à la lumière de la Parole révélatrice par un acquiescement de l’intelligence, comme du disciple au maître. La foi développe l’amour de la vérité avec l’aide des dons d’intelligence et de science. Grâce à l’amour qui l’accompagne, elle nous procure une certaine connaturalité avec les réalités divines ; elle éclaire et nourrit l’expérience spirituelle.  L’inclination à la vie en société implique une certaine conception de l’homme comme un « animal sociable», «politique», un être spontanément porté à s’associer aux autres. Cette tendance repose sans doute sur le besoin que nous avons les uns des autres pour subvenir aux nécessités de la vie ; mais elle a un fondement plus intérieur: le sens d’autrui qui s’épanouit dans l’amour, par l’affection, l’amitié, et se détériore par les sentiments contraires. L’amitié de l’homme pour I l’homme est plus naturelle que la lutte et la  rivalité ; l’homme n’est pas d’abord un loup pour l’homme bien qu’il puisse le devenir. Le signe de cette disposition naturelle est la parole, car, à là différence des animaux qui échangent des cris, l’homme a inventé le langage qui sert à la communication des pensées, des sentiments, des besoins, à exprimer le bien et le mal, le juste et l’injuste, à manifester les mouvements de l’esprit et du cœur. La vie entière de l’homme peut être transcrite dans le langage. Les inclinations naturelles, en particulier, se reflètent dans la structure même de la grammaire: la perception du bien se traduit dans les qualificatifs, le sens de l’être forme les substantifs, la sexualité commande les genres, la vérité se montre dans le verbe qui détermine le vrai et le faux, l’inclination à la vie en société enfin, se marque dans les pronoms, je, tu, il, et les nombres, singulier et pluriel. On peut même établir un rapport entre ces inclinations et les organes des sens suivant une certaine convenance. On peut rattacher au bien le goût, la saveur qui a donné son nom à la sagesse; la vue est le meilleur organe de la connaissance et se rapporte à la vérité ; la parole est liée à l’ouïe; le toucher et l’odorat mettent en contact avec ce qui est; ils s’exercent aussi dans la sexualité. Ce ne sont là que des indications, mais elles sont révélatrices du caractère naturel de ces inclinations. La reconnaissance du caractère primitif de l’inclination à la vie en société chez l’homme est de grande conséquence. Selon la théorie de la liberté d’indifférence, l’individu est premier, dans l’isolement et la revendication de sa liberté. La satisfaction des besoins oppose les hommes entre eux et provoque une rivalité qui met en danger l’existence de chacun. La lutte est ici première. La société sera une création artificielle reposant sur le pouvoir délégué, par l’ensemble des individus à une autorité suprême, monarque ou État, pour qu’il puisse imposer et maintenir la paix, indispensable à tous. Selon la liberté de qualité au contraire, la société est naturelle à l’homme grâce à l’inclination qui le porte vers les autres hommes; elle s’exprime comme un amour spontané ou une amitié qui prendra des formes variées d’après les genres de communautés : affection familiale, amitié personnelle, sentiment national, solidarité de condition ou de métier, etc. L’aide de la société, à commencer par les éducateurs, est nécessaire à la formation et à la maturation de la liberté. L’inévitable lutte entre les hommes, si dure soit-elle, se greffe sur leur désir naturel d’amitié, comme la fièvre et la blessure affectent le corps. L’inclination à la vie en société se développera par la vertu de justice définie comme une volonté ferme de rendre à chacun ce qui lui est dû; elle a pour objet le droit, au sens objectif, qu’exprimé la loi. La justice recouvre les échanges extérieurs avec autrui, aux plans familial, social, national, mais aussi vis-à-vis de Dieu par la religion. Elle possède ainsi une portée générale. Sa règle est l’établissement de l’égalité, stricte ou relative, dans les échanges. Sa fin est l’harmonie et la paix. Au-delà de la justice réside l’amitié, comme l’épanouissement des rapports humains dans une relation plus personnelle de bienveillance réciproque, dans la liberté et l’égalité. Au plan chrétien, nous retrouvons évidemment la charité comme la vertu inspiratrice des relations au sein de cette société à la fois spirituelle et institutionnelle qu’est l’Église. Ici aussi se remarquera la diversité des conceptions: la liberté d’indifférence favorise la rivalité des pouvoirs, l’opposition entre la liberté individuelle et les institutions, etc. ; la liberté de qualité, au contraire, recherche avant tout la coordination et la collaboration, le développement de l’Église comme un corps harmonieux.  17 questions sur la loi naturelle : les débats dits de société font réapparaître la pertinence de la notion de loi naturelle pour fonder le « vivre ensemble » dans un pays divisé de croyances et même de cultures. Il est nécessaire d’étudier en profondeur ce qu’est la loi naturelle (sans trop s’appuyer sur son évidence) et de comprendre le divorce que la modernité a introduit en réduisant la nature à sa dimension amorphe sans finalité immanente, simple objet de la science et en faisant de la loi un impératif arbitraire qui ne tient sa raison que de l’autorité qui la fait, laissant l’homme sous la domination du pouvoir totalitaire. Argumentaires construits sur la base des travaux de la CTI (COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE – A LA RECHERCHE D’UNE ETHIQUE UNIVERSELLE) et de Servais Th. Pinckaers op (La morale catholique – CERF, 1991).