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Une Europe sans âme

© Union Européenne

Bien que chrétiens, ses pères fondateurs ont choisi de « faire l’Europe par le marché ». Au risque de diluer son âme et d’oublier les fondements de sa civilisation.

Lors du Conseil européen des 14 et 15 décembre derniers, les chefs d’État et de gouvernement ont annoncé, malgré l’abstention de Viktor Orban, l’ouverture de négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie. Ils ont aussi accordé le statut de pays candidat à la Géorgie et décidé d’accélérer le processus d’adhésion des pays des Balkans : Monténégro, Serbie, Macédoine du Nord, Albanie, Bosnie-Herzégovine et Kosovo.

Certes, pour tous ces pays, le processus d’adhésion sera long et périlleux mais cette fuite en avant traduit l’absence totale de vision d’ensemble de la part de nos dirigeants. A-t-on, en effet, mesuré ce que signifierait une Union européenne voisine de l’Azerbaïdjan et partie prenante de la plupart des conflits d’Europe de l’Est, des Balkans ou du Caucase ? « L’Europe, c’est la paix », répète-t-on mécaniquement, comme pour s’en persuader. Mais il est à craindre que l’Europe soit demain le théâtre de guerres qu’elle n’aura su ni anticiper, ni résoudre, à cause d’un élargissement dont elle ne mesure pas la portée.

Une entreprise babélienne

À vrai dire, cette fuite en avant est la caractéristique d’une Europe qui ne sait plus ce qu’elle est et préfère se référer à des valeurs abstraites ou des normes procédurales plutôt qu’à la civilisation qui l’a façonnée. Et le vice remonte aux origines car, si ses « pères fondateurs » – Schuman, Adenauer, Gasperi – étaient d’authentiques chrétiens, le projet qu’ils ont mis en place revêt tous les atours d’une entreprise babélienne, à commencer par le rêve utopique de vouloir construire l’Europe par l’économie.

L’ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker, l’exprime dans une forme de naïveté confondante : « Les pères fondateurs de l’Europe ont choisi de faire l’Europe par le marché, non pas parce qu’ils voulaient restreindre l’ambition européenne au seul marché, mais parce que l’unification du marché permettait le rapprochement des peuples. » Comme si, par une forme de main invisible, la dépendance économique pouvait créer un sentiment d’appartenance européenne !

L’avertissement de Benoît XVI

Un autre président émérite de la Commission européenne, récemment décédé – Jacques Delors – concédait à demi-mots, comme une forme de constat d’échec : « On ne tombe pas amoureux d’un grand marché. » Lui aussi était un chrétien assumé, mais lui aussi aura servi les ambitions d’une Europe technocratique, sans âme ni racines.

« On ne peut penser à édifier une authentique maison commune européenne en négligeant l’identité propre des peuples de notre continent », affirmait le pape Benoît XVI à l’occasion du 50e anniversaire du traité de Rome le 25 mars 2007, stigmatisant une « forme singulière d’apostasie de soi-même » de la part des pays européens. Puisse-t-il être entendu !

Benoît Dumoulin