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Permanence n°595

L’islam et la France


LA FRANCE FACE AU REVIVALISME ISLAMIQUE

L’islam constitue aujourd’hui un enjeu majeur pour la France sur son propre sol ; défi structuré par l’immigration musulmane et la réislamisation du monde musulman.

 

La France a été confrontée très tôt au surgissement de l’islam dans l’histoire. 632 : mort du prophète Mahomet. 732 : Charles Martel. Un siècle… Le premier contact substantiel entre l’islam et la France fut donc la guerre… Plus tard, ce seront les croisades, auxquelles la France apporta une contribution décisive, fournissant prédicateurs et guerriers. Cependant, le fil de l’histoire de France n’est pas principalement structuré par le conflit avec l’islam. À compter de la Renaissance, notre pays entretient des liens privilégiés avec le monde musulman, particulièrement avec l’alliance entre François Ier et le sultan Ottoman Soliman le Magnifique en 1536. En contrepartie, la France sera protectrice des chrétiens d’Orient. Il s’agissait alors de contrarier nos concurrents Habsbourg. L’alliance durera plus de deux siècles et demi. Plus tard, Bonaparte se montra fort amical après la campagne d’Égypte, se présentant même comme « digne enfant du Prophète ».Retour des tensions au XIXe siècle avec la réaction aux razzias des Barbaresques en Méditerranée. Les Français prennent Alger en 1830. Commence alors l’histoire coloniale de la France au Maghreb.

Une histoire coloniale qui résonne particulièrement aujourd’hui puisqu’une importante immigration maghrébine – d’abord de travail puis de peuplement avec le regroupement familial – s’est opérée après la décolonisation.
Aujourd’hui, au-delà des dimensions géopolitiques, la relation entre la France et l’islam se joue principalement sur le territoire français et elle est structurée par l’immigration. Au cœur de la problématique : l’intégration. Chaque nouvelle génération semble moins bien intégrée que la précédente, phénomène inédit dans l’histoire française des migrations. Rien de tel ne s’est produit avec les immigrés européens. La donne est cette fois substantiellement différente : se pose désormais incontestablement la question religieuse. Y a-t-il un lien entre ces difficultés d’intégration et l’islam ?
Dans les années 1980, le problème de l’intégration n’était pas principalement religieux, mais davantage lié aux conditions sociales. De fait, la contestation des « beurs » et les premières
émeutes des banlieues ne comportaient pas de dimension religieuse évidente, du moins aucune revendication de ce type. Leurs parents vivaient en France un islam populaire et coutumier de manière globalement paisible et les « beurs » semblaient plutôt en voie de sécularisation. Ils exprimaient un mal-être social et culturel qui traduisait davantage un désir d’être considérés comme les autres plutôt que vus comme différents.

Le mouvement de réislamisation

Cependant, les années 1990 vont changer la donne, avec le tournant de la réislamisation du monde musulman. L’islam connaît depuis lors un revivalisme principalement alimenté par le wahabisme et les Frères musulmans. Désormais, l’une des explications majeures du défaut d’intégration est religieuse. Des petits-enfants et arrière-petits-enfants d’immigrés sont en pleine quête identitaire et trouvent dans l’islam – non pas l’islam coutumier de leurs aînés mais l’islam réislamisé dans une stricte orthopraxie et un littéralisme eschatologique centré sur la notion de conquête – la substance essentielle de leur identité. Le système d’intégration français n’est pas en panne, c’est avec l’immigration musulmane qu’il ne fonctionne plus. Les causes ne sont pas d’abord endogènes, liées aux conditions sociales – même si ces dernières aggravent le phénomène –, elles sont avant tout exogènes, liées aux mutations contemporaines de l’islam. L’un des axes stratégiques des tenants du revivalisme musulman est d’empêcher l’assimilation des diasporas musulmanes pour les agréger à l’Oumma, c’est-à-dire à la communauté musulmane transnationale. Et la stratégie fonctionne, s’appuyant notamment sur les ressentiments victimaires (discrimination, islamophobie, etc.) et les marques de décadence culturelle et religieuse des sociétés occidentales.
S’ajoute à cela une immigration plus récente, avec son lot de clandestins et de réfugiés, qui vient aggraver la difficulté. Il faut toutefois nuancer le propos : il est incontestable qu’une partie de la jeunesse musulmane est intégrée. Il est vrai également qu’une partie de la population musulmane aimerait s’intégrer davantage et est attirée par certains aspects de notre civilisation. Cependant, elle est soumise à une pression socioreligieuse de plus en plus forte pour rester agrégée à l’Oumma.

Le risque de la fragmentation

Un triple risque existe aujourd’hui : le risque de fragmentation socioreligieuse, le risque de fragmentation territoriale et le risque sécuritaire, notamment lié au jihad. C’est un fait : une partie du jihad mondial se déroule sur notre sol, aujourd’hui de manière encore sporadique, mais demain peut-être – c’est même hautement probable si nous ne réagissons pas fermement – avec une intensité qui pourrait faire tourner toute cette histoire à la tragédie. Nous avons souhaité, dans ce numéro de Permanences, mettre particulièrement en lumière, avec deux grands témoins, les aspects les plus décisifs de l’enjeu : la compréhension, avec Florence BergeaudBlackler (lire pages 9 à 26) de la stratégie de conquête islamique conduite par les Frères musulmans ; et la compréhension, avec le maire de Montfermeil, Xavier Lemoine (lire pages 27 à 36), du caractère impératif de tenter l’impossible pour gagner à la cause française la « majorité silencieuse » de ces musulmans ordinaires, aujourd’hui tiraillés entre leur aspiration à vivre paisiblement en France et la pression socioreligieuse qui entend les séparer définitivement de la communauté nationale.

Guillaume DE PRÉMARE



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